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Plus de 140 modérateurs kényans de Facebook victimes de troubles de stress post-traumatique

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La face noire des réseaux
Plus de 140 modérateurs kényans de Facebook victimes de troubles de stress post-traumatique

Plus de 140 modérateurs Facebook ont été diagnostiqués en état de stress post-traumatiques par un expert médical de l’hôpital Kenyatta de Nairobi à l’occasion d’un procès en cours contre Meta et Sama, l’un de ses sous-traitants africains.

Meta et Sama font face actuellement à un procès devant la justice kényane pour les conditions dans lesquelles ont travaillé les salariés du sous-traitant de la multinationale du numérique. Le Guardian a pu consulter des rapports médicaux inclus dans le dossier.

En février 2023, la justice kényane avait pris une première décision : elle pouvait poursuivre Meta, la maison mère de Facebook, en raison de mauvaises conditions de travail des salariés de Sama alors qu’un ancien modérateur de contenu avait porté plainte contre les deux entreprises. Suite à l’ouverture de cette affaire, Sama avait jeté l’éponge et annoncé qu’elle ne fournirait plus de services de modération au géant américain. Mais l’entreprise, dont les bureaux sont d’ailleurs surmontés du slogan « The Soul of AI » (l’Âme de l’IA), est aussi un sous-traitant pour les entreprises d’intelligence artificielle.

Diagnostic de nombreux troubles psychologiques et psychiatriques

Selon nos confrères britanniques, le responsable du service psychiatrique de l’hôpital Kenyatta de Nairobi, Ian Kanyanya, a diagnostiqué chez les 144 modérateurs et anciens salariés de Sama qu’il a examinés des troubles de stress post-traumatique, des troubles anxieux généralisés et des troubles dépressifs majeurs. Pour 81 % d’entre eux, ces troubles étaient sévères ou extrêmement sévères, « la plupart du temps au moins un an après leur départ », précise le Guardian.

Les modérateurs travaillaient de huit à dix heures par jour en visionnant parfois des images et vidéos horribles. Certaines comportant des scènes de nécrophilie, de bestialité ou d’automutilation ont conduit les salariés jusqu’à s’évanouir, vomir ou encore s’enfuir de leur bureau, peut-on lire dans les dossiers médicaux, expliquent nos confrères. Certains des employés dont le travail se concentrait sur les contenus mis en ligne par des terroristes avaient peur d’être pris pour cibles, pourchassés et tués s’ils rentraient chez eux.

Au moins 40 de ces modérateurs souffriraient d’addiction à l’alcool, à des drogues ou des médicaments. Leur travail a eu des conséquences sur leurs vies privées dont des ruptures au sein des couples, l’effondrement de la libido et la perte de liens sociaux avec l’entourage familial.

Cette affaire jugée au Kenya montre l’ampleur des horreurs que doivent subir les modérateurs des réseaux sociaux et des travailleurs des données.

Des masses de contenus ultra violents visionnés

Une des modératrices dont il est question témoigne auprès du Guardian des conséquences de son travail sur son état de santé et sur sa vie quotidienne. « Casser des briques contre la façade de sa maison n’est pas une façon normale de se détendre après le travail. Pas plus que de se mordre le bras ou d’avoir peur de s’endormir », résument nos confrères. Cette femme d’une vingtaine d’années a été modératrice pendant plus de deux ans au sein de Sama entre 2019 et 2023. Elle a dû modérer de nombreuses vidéos de maltraitances d’enfants, de torture et de bestialité qui l’ont fait vomir.

Un autre explique au média britannique : « Je me souviens d’un jour où je me suis connecté et où j’ai vu un enfant au ventre déchiré, souffrant mais pas mort ». C’est en voyant du contenu d’exploitation d’enfants « que j’ai vraiment compris qu’il s’agissait de quelque chose de différent », ajoute-t-il.

Un travail inhumain

Il commente : « Je ne pense pas que ce travail convienne à des êtres humains […] Il m’a vraiment isolé du monde réel parce que j’ai commencé à le voir comme un endroit très sombre ».

Selon le journal, dans sa déposition, Ian Kanyanya a conclu que leur travail était la principale cause de leurs troubles mentaux car ils « rencontraient quotidiennement des contenus extrêmement graphiques, notamment des vidéos de meurtres horribles, d’automutilations, de suicides, de tentatives de suicide, de violences sexuelles, de contenus sexuels explicites, d’abus physiques et sexuels sur des enfants, d’actions violentes horribles, pour n’en citer que quelques-uns ».

Le Guardian a aussi eu accès à des documents du dossier judiciaire qui font état de conditions de travail très dégradées : travail de jour comme de nuit dans des locaux avec des lumières éblouissantes, air conditionné glacial, sièges inconfortables et surveillance de la performance pouvant conduire à la résiliation du contrat en cas de baisse.

Interrogées par nos confrères, les deux entreprises n’ont pas voulu commenter en raison du procès en cours.


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