Quinze ans après sa condamnation à une amende record de 1,06 milliard d’euros, Intel peut souffler : la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé, dans un arrêt rendu jeudi, l’annulation de cette décision, prononcée début 2022 par le Tribunal de l’Union européenne.
La plus haute instance juridique européenne rejette ainsi le pourvoi formé par la Commission européenne, ce qui devrait mettre un terme à cette longue affaire. Les premiers éléments remontent à mai 2000, quand AMD a déposé sa première plainte à l’encontre d’Intel, relative à de supposées pratiques anticoncurrentielles.
De nouvelles plaintes déposées en 2003 puis 2006 ont entraîné l’ouverture d’une enquête par la Commission européenne, qui s’est traduite par une sanction record, formulée le 13 mai 2009 : Intel a alors été condamné à une amende de 1,06 milliard d’euros.
La Commission européenne reproche au géant des semi-conducteurs d’avoir défendu sa position dominante sur le marché des processeurs x86 à l’aide de pratiques anticoncurrentielles, parmi lesquelles des remises, voire des paiements directs, à certains distributeurs de PC, en échange d’un approvisionnement quasi-exclusif chez Intel.

S’ensuit un long feuilleton judiciaire : Intel, qui fait appel dès 2009, voit d’abord son recours rejeté par le Tribunal de l’Union européenne en 2014. Le fondeur forme immédiatement un pourvoi contre cet arrêt, et porte l’affaire devant la CJUE qui l’annule et renvoie l’affaire devant le Tribunal. Sur la base des faiblesses relevées par la CJUE, celui-ci juge finalement en 2022 que la condamnation initiale doit être partiellement annulée. Il estime par ailleurs ne pas être en mesure d’identifier le montant de l’amende correspondant aux pratiques restant sanctionnées, et annule donc l’amende dans sa totalité.
Ce rebondissement entraîne un nouveau recours devant la CJUE, mais à l’initiative de la Commission européenne cette fois. L’arrêt rendu ce jour confirme que la décision politique achoppe sur des considérations techniques. Les conclusions de l’avocate générale, présentées le 18 janvier dernier, soulignent en effet que le pourvoi formé par la Commission est rejeté parce que l’institution échoue à justifier l’appréciation qu’elle fait des conséquences sur le marché découlant des pratiques d’Intel, notamment pour l’impact sur les concurrents, via le test AEC (test du « concurrent aussi efficace »).
« Il s’ensuit que la Commission, qui n’a pas raisonné en tenant compte d’un concurrent hypothétique capable de vendre des CPU x86 à Lenovo tout en lui offrant des avantages en nature dans les mêmes conditions qu’Intel, était partie d’un postulat contraire aux fondements du test AEC exposé dans la décision litigieuse. C’est donc sans substituer son appréciation à celle de la Commission que le Tribunal a mis en évidence dans l’arrêt attaqué une incohérence interne au test AEC », écrit notamment la Cour dans son arrêt.
Une dernière amende en attente
Cette décision ne marque toutefois pas la fin de la passe d’armes judiciaire entre Intel et l’Europe. Sur la base de la décision du TJUE de 2022, la Commission européenne a en effet émis, en septembre 2023, une nouvelle amende de 376,6 millions de dollars à l’encontre du fondeur de Santa Clara, centrée cette fois sur les « restrictions non déguisées » appliquées par Intel dans ses relations avec HP, Acer et Lenovo.