La route est encore longue

Selon une enquête menée sur plus de 6 000 femmes, « les stéréotypes de genre continuent d’influencer négativement l’orientation des filles et des femmes vers les métiers scientifiques et techniques ». Il y a certes des initiatives mises en place, mais elles sont jugées insuffisantes.
L’association Elles Bougent, qui a comme but de « renforcer la mixité dans les entreprises des secteurs industriels et technologiques », et l’institut OpinionWay présentent les résultats d’une enquête nationale menée sur « 6 125 femmes, dont 4 202 ingénieures et techniciennes en activité et 1 923 étudiantes en formation ».
Avant d’entrer dans les résultats de l’enquête, quelques chiffres sur l’état du marché : « En France, seulement un quart des ingénieurs en activité sont des femmes, et parmi les étudiants en sciences, seulement 30 % sont des femmes ».
Version courte de la conclusion : « les stéréotypes de genre continuent d’influencer négativement l’orientation des filles et des femmes vers les métiers scientifiques et techniques ». Alors que les mathématiques et les sciences font partie des matières préférées de plus de 85 % des femmes du sondage. Cela n’est malheureusement pas surprenant puisque ce constat a déjà été dressé par le passé.
Des femmes « découragées de faire des études scientifiques »
Dans la version longue, on apprend que 23 % des 4 202 femmes actives (ingénieurs et techniciennes) ont « été découragées de faire des études scientifiques », contre 17 % des étudiantes dans ces domaines. Dommage par contre que l’étude ne porte pas également sur les hommes afin de voir s’il y avait une différence notable et, le cas échéant, quel était l’ordre de grandeur.

Les femmes sont plus de 60 % à avoir entendu dire qu’elles « sont plutôt faites pour les études littéraires ». C’est à peu près les mêmes pourcentages pour une autre phrase du genre : « les filles aiment moins les mathématiques que les garçons ». Plus d’une sur quatre a entendu dire que « les filles sont moins compétentes que les garçons en mathématiques ».
En parallèle, les mathématiques et les sciences sont encore trop souvent présentées par les parents comme la « voie royale » des études, celle à laquelle devraient prétendre les meilleurs élèves, tandis que ceux considérés comme l’étant moins sont souvent découragés d’y aller.

Principales craintes : du sexisme et ne pas évoluer
À la question, « de manière générale, avez-vous le sentiment ou non que certains métiers ou certaines formations diplômantes sont aujourd’hui moins accessibles aux femmes qu’aux hommes », les femmes actives sont partagées à 50/50 tandis que les étudiantes sont 67 % à répondre oui. Sur l’ensemble de l’échantillon, plus d’une femme sur deux a donc ce sentiment.
L‘étude porte ensuite sur les « difficultés que vous craignez de rencontrer en priorité en tant que femme ingénieure/technicienne ». Pour 81 % de celles dans la vie active et 89 % des étudiantes, l’inquiétude principale est le fait de « subir du sexisme, de la discrimination / ne pas évoluer » professionnellement. Pour 54/55 % c’est même la première source d’inquiétude.

Les hommes ont un « meilleur salaire » et « progressent plus facilement »
Sur la place des femmes ingénieures/techniciennes dans les entreprises, celles déjà dans la vie active et les étudiantes sont 81 % à être d’accord avec le fait que « les hommes exerçant ces métiers accèdent plus facilement que les femmes aux postes à responsabilités ».
Les femmes actives sont 80 % à estimer que « les hommes progressent plus facilement que les femmes dans ce type de carrière » et 72 % à affirmer que, « à poste égal, les hommes exerçant ces métiers ont un meilleur salaire que les femmes ». Meilleur comment ? L’étude ne le dit pas.

L’observatoire des inégalités s’est penché sur la question en mars de cette année, et donne plusieurs enseignements. Sur l’écart total, « les femmes touchent 24,4 % de moins que les hommes ». Si on remet cela à temps de travail égal, « les femmes touchent 15,5 % de moins ». Enfin, « l’écart à temps de travail et métiers équivalents : les femmes touchent 4,3 % de moins ».
Il y a plusieurs niveaux de lecture à ces résultats. Tout d’abord, il n’y a aucune raison d’avoir un écart de 4 %, c’est déjà trop. Ensuite, « dans le couple, elles sont celles qui sacrifient le plus souvent leur carrière professionnelle », comme le rappelle Ouest France. Ni l’étude du jour ni l’observatoire des inégalités n’indiquent si le domaine des sciences impliquent des inégalités spécifiques.
Du mieux, mais il reste du travail
Si les femmes de l’étude affirment en majorité que leur entreprise ou leur école « a mis en place des
initiatives pour soutenir les femmes dans leur parcours », elles sont 67 % des actives et 48 % des étudiantes à attendre « davantage de mesures en faveur de l’égalité femmes-hommes ». Bref, les choses avancent, mais il reste du travail.
L’étude dresse un triste constat en guise de conclusion : « plus de 8 femmes sur 10 intéressées par les métiers techniques qui ont entendu au cours de leur scolarité des préjugés sur le rapport des femmes aux matières scientifiques ». Pour l’association Elles bougent, « ces stéréotypes, souvent intériorisés dès le plus jeune âge, mènent à une autocensure et un manque de confiance en soi qui éloignent les filles des carrières scientifiques ».
Elle recommande de mettre en place des « programmes éducatifs dès le plus jeune âge, un accompagnement renforcé dans l’enseignement supérieur, ainsi que des politiques d’égalité en entreprise pour garantir à toutes et tous un accès équitable aux métiers d’avenir ». Ces actions sont celles qui arrivent le plus souvent en tête quand on demande aux femmes quelles sont leurs attentes.
À contrario, le fait de « proposer un environnement de travail plus inclusif pour les femmes (toilettes pour femmes, tenues adaptées, salles pour tirer son lait…) » et des « quotas pour assurer une plus grande représentation des femmes » n’arrivent en tête des préoccupations que pour 9 à 14 % des femmes interrogées.
