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DGSI et DRSD alertent sur les ingérences étrangères dans le milieu scientifique

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La contre-méthode scientifique

Dans une note « flash » la DGSI explique que des acteurs étrangers ciblent particulièrement les chercheurs lauréats de distinctions scientifiques. De son côté, la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense publie son panorama des ingérences à l’encontre de la sphère défense en 2023 où elle évoque l’émergence de nouveaux acteurs de la menace cyber et le ciblage de chercheurs français.

Si la recherche française manque de moyens, elle bénéficie encore d’une certaine reconnaissance internationale et on retrouve régulièrement encore des chercheurs français dans la liste des récompenses scientifiques les plus prestigieuses. L’année dernière encore, Anne L’Huillier, Pierre Agostini et Moungi G. Bawendi ont obtenu un prix Nobel. Le mathématicien français Hugo Duminil-Copin a aussi été récompensé lors de la dernière fournée de médailles Fields (attribuée tous les quatre ans) de 2022.

D’autres récompenses plus nationales permettent de distinguer les chercheuses et chercheurs les plus en vue dans leur domaine. Les médailles du CNRS sont un bon exemple. Le centre vient tout juste de décerner sa médaille de l’innovation à trois lauréats.

Mais la DGSI signale que ces distinctions peuvent aussi permettre à des acteurs étrangers de repérer des cibles pour effectuer des actions d’ingérence. Dans sa dernière note « Flash ingérence » (.PDF) de conseils aux entreprises, la Direction générale de la sécurité intérieure revient sur les « Intérêts étrangers pour les chercheurs français lauréats de distinctions scientifiques ».

Virement inexpliqué, récupération de carnet d’adresses, promesses de projets inédits

Dans cette note, les services français prennent trois exemples de chercheurs français approchés.

L’un d’entre eux, « lauréat d’une haute distinction académique en France » a, par exemple, « reçu, de manière inexpliquée, un virement d’une importante somme d’argent en provenance des organisateurs » d’un symposium auquel il participait à l’étranger.

Le chercheur a expliqué à la DGSI avoir été invité avec prise en charge intégrale et visites privées de sites sensibles « habituellement fermés au public ». Il a aussi été interrogé sur des sujets d’ordre politique lors de son séjour. Suite à sa visite, il a aussi appris qu’il serait récompensé par un prix pour sa coopération scientifique avec le pays étranger.

Promesses de moyens

Les services prennent aussi appui sur un exemple qui fait écho à de nombreux cas que l’on peut croiser dans le domaine : la DGSI explique qu’une entreprise étrangère a recruté « un scientifique reconnu pour ses compétences et ayant pris part à plusieurs projets d’envergure internationale » pour diriger sa filiale française.

Elle souligne que le chercheur a accepté « en raison de la possibilité de travailler sur un sujet innovant qui, faute de moyens, ne faisait plus partie des domaines d’étude de son laboratoire ». On peut donc en déduire que le manque de financement de la recherche française pousse certains à accepter de travailler pour des entreprises étrangères.

« Ce premier recrutement a permis à la société étrangère de s’appuyer sur la renommée et le vaste réseau de l’expert français afin de faciliter le débauchage d’autres chercheurs issus du même centre de recherche et ayant reçu des récompenses à des compétitions nationales et internationales », explique la DGSI.

La DGSI demande aux chercheurs de se méfier en cas de coopération internationale

Le service de contre-espionnage français prend un troisième exemple : celui d’un chercheur français « issu d’un laboratoire sensible, spécialisé dans un domaine scientifique de pointe ». Si la DGSI précise que les sujets de ses recherches ont des « applications duales », elle ne précise pas le domaine concerné. Elle décrit par contre une approche progressive pour que ce chercheur coopère de plus en plus avec les universités du pays qui le ciblait.

Dans le milieu scientifique, il n’est pourtant pas rare que les chercheurs travaillent avec d’autres universités ou partent même faire carrière à l’étranger sans que ça n’alerte les collègues. Mais la DGSI semble y voir les signes d’une ingérence grave. Elle précise qu’elle a été alertée de ce cas par un fonctionnaire de sécurité et de défense de l’établissement du chercheur et qu’elle a « sensibilisé le chercheur et le personnel du laboratoire aux risques de détournement de leurs recherches à des fins de prolifération ».

Elle commente ces exemples en expliquant qu’ « afin de convaincre les chercheurs français primés d’engager des coopérations formelles ou informelles, ces acteurs étrangers promettent fréquemment des projets de recherche inédits et stimulants auxquels sont alloués des moyens financiers et matériels conséquents, ainsi que des cadeaux et des compensations financières attractives. Ils peuvent également tirer profit du besoin de financement des établissements auxquels les chercheurs sont rattachés pour les contraindre à consentir à des partenariats académiques déséquilibrés ».

Les « conseils » de la DGSI

La DGSI conseille aux chercheurs qui reçoivent une distinction honorifique de « vérifier régulièrement les informations qui figurent sur [leurs] profils en ligne afin de supprimer les informations trop personnelles ».

Elle leur demande aussi de « prendre attache avec le fonctionnaire de sécurité défense (FSD) de [leur] structure de tutelle avant d’accepter tout partenariat étranger ».

La DGSI demande aussi de « sensibiliser régulièrement les chercheurs et personnels des structures de recherche sensibles aux risques de détournement des savoir-faire ».

Elle conseille de rester vigilant à l’occasion de déplacements à l’étranger, « de privilégier l’utilisation de matériel informatique dédié aux séjours à l’étranger et de n’emporter que les informations nécessaires à la mission », mais également de « maintenir une posture de vigilance lors des échanges avec des interlocuteurs étrangers ».

« Il est fortement déconseillé de se déplacer avec l’intégralité de ses travaux de recherche » commente l’agence, qui demande aussi aux chercheurs de « ne pas accepter de cadeaux dont la valeur semble disproportionnée ».

Rappelons que la plupart des chercheurs et chercheuses français sont des fonctionnaires pour lesquels le code pénal prévoit une peine spécifiquement lourde en cas de corruption. La DGSI demande aux chercheurs de lui signaler des approches répétées et intrusives par des acteurs étrangers.

Dans son panorama des ingérences à l’encontre de la sphère défense en 2023 (.PDF), la dernière lettre d’information économique de la Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense (DRSD) évoque, elle aussi, le ciblage des chercheurs français.

Elle mentionne notamment une campagne chinoise en cours depuis novembre 2022 qui ciblerait particulièrement les « structures de recherche contribuant à la défense ». « Le Service a ainsi pu confirmer que plus de 650 approches échelonnées ont été identifiées au cours de l’année 2023 », assure la DRSD.


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