A minima

Le mois prochain, iOS recevra sa mise à jour 18.4. En plus de rendre disponible Apple Intelligence en Europe, cette version intègre le support du RCS pour Orange, dernier opérateur en France à le rendre disponible sur iPhone. Mais au fait, c’est quoi le RCS ?
Le RCS, pour Rich Communication Services, est un protocole de messagerie. Standardisé par la GSMA, il doit supplanter le classique SMS, en lui apportant de nombreuses fonctions propres aux messageries modernes. Contrairement au SMS, RCS utilise les réseaux de données et non le réseau téléphonique.
Les apports de RCS sont nombreux. Il fait bien sûr sauter la limite sur le nombre de caractères, permet les conversations de groupe, affiche des statuts de lecture, permet d’intégrer des contenus enrichis, peut prévenir quand un contact est en train d’écrire, autorise le partage de géolocalisation, etc.
Cependant, pour un grand nombre de personnes, RCS n’a rien d’une nouveauté. Le protocole est notamment utilisé par Google depuis 2016. Le protocole sert de fondation à l’application Messages, qui gère traditionnellement les SMS sur Android depuis un bon moment maintenant. Sur la plateforme, les capacités du RCS sont donc connues et sont équivalentes à ce que l’on peut trouver dans des applications. En France, le protocole a été déployé par Google en 2019.
Le service s’est largement répandu et est utilisé notamment par un certain nombre d’entreprises pour communiquer avec leurs clients et proposer des choix dans les messages. Chez Chronopost par exemple, on peut recevoir un message avertissant qu’une livraison est programmée, un menu et des boutons permettant de décaler le créneau en cas d’indisponibilité.
En revanche, sur iOS, la situation était plus compliquée
Une relation conflictuelle
Pendant longtemps, Apple n’a eu aucune volonté de prendre en charge le RCS. Sur iOS, la situation était simple : dans Messages, soit vous discutiez avec un autre appareil Apple et vos bulles étaient bleues, soit vous discutiez avec une autre plateforme et les bulles étaient vertes.
Ces bulles vertes sont devenues l’incarnation de discussions avec des appareils « autres ». Pour Apple bien sûr, il s’agissait de laisser trainer l’idée que les conversations entre ses produits étaient beaucoup plus riches et modernes. Mais l’entreprise avait beau faire valoir que les échanges iMessage étaient chiffrés de bout en bout, elle s’est laissé dépasser, car Google a ajouté un nombre croissant de fonctions.
La situation a perduré, au point que Google en a fait une arme commerciale, critiquant copieusement son adversaire pour ne pas avoir intégré ce standard de communication. Une situation qui ne manquait pas d’ironie, quand on sait que Google a erré pendant de nombreuses années à la recherche d’une messagerie maison, la société révisant constamment ses plans dans ce domaine, sans succès.
Mais en novembre 2023, tout change : Apple annonce qu’elle prendra finalement en charge RCS l’année suivante. Ce support s’est effectivement concrétisé dans iOS/iPadOS 18 et macOS 15. Il s’agissait cependant d’un support de base, et il restait aux opérateurs de téléphonie d’en assurer la compatibilité avec leurs propres infrastructures.
En France, la boucle est (presque) bouclée
Au cours des derniers mois, tout s’est accéléré dans l’Hexagone. Avec iOS 18.1, SFR a été le premier à réagir en supportant le RCS sur les iPhone fin octobre 2024. Avec iOS 18.2, Bouygues et Free s’y mettent à leur tour mi-décembre. On s’attendait à ce qu’Orange fasse de même avec iOS 18.3, mais c’est bien la version 18.4 qui comporte le changement attendu.
Les versions finales des prochaines mises à jour d’Apple sortiront le mois prochain. Pour les personnes clientes d’Orange et Sosh, le RCS deviendra disponible sur leur iPhone certes, mais également sur iPad et Mac via l’application Messages qui synchronise les échanges entre appareils liés au même compte.
Pour vérifier que vous avez bien RCS, il faut se rendre dans Réglages puis dans Apps, tout en bas. Là, cherchez Messages et descendez ensuite dans les paramètres jusqu’à « Service RCS ». Dans le panneau, il faut simplement activer le premier bouton si ce n’est pas déjà fait. L’activation du service peut prendre de quelques secondes à plusieurs dizaines de minutes selon les cas. Après quoi, si vous discutez avec une personne dont l’appareil (non Apple) gère le RCS, vous verrez apparaitre les témoins de rédaction et statuts de lecture dans les prochains échanges, entre autres fonctions. L’application Messages indique également quand la conversation bascule du vieux SMS au RCS.
Les « limites » de l’intégration d’Apple
Si l’on parle de « limites », c’est parce qu’Apple a fait le choix de supporter le standard lui-même, sans fioritures. Une approche différente de Google, qui a ajouté petit à petit des fonctions, dont le chiffrement de bout en bout. Cet aspect n’existe pas dans l’implémentation d’Apple. La société indiquait en 2023 que le RCS fonctionnerait « en parallèle d’iMessage, qui continuera à être la meilleure expérience de messagerie et la plus sécurisée pour les utilisateurs Apple ».

Comme de nombreuses normes, RCS évolue avec des versions. Dans le standard de la GSMA, on trouve ainsi un tronc commun nommé Universal Profile, qui définit un lot de fonctions. On pourrait comparer l’évolution avec celle du standard Unicode, dont le support des versions assure l’intégration de nouveaux émojis. S’agissant d’un socle minimal, rien n’empêche les entreprises d’y attacher d’autres fonctionnalités.
Apple a intégré le support de la version 2.4, avec les fonctions que l’on connait aujourd’hui, sans y ajouter quoi que ce soit. Le constructeur avait indiqué s’en tenir au standard, et uniquement au standard. La question est maintenant de savoir si Apple prendra en compte les versions sorties depuis. Nous en sommes à la mouture 2.7, sortie en juin 2024 (PDF), avec une version 2.8 en préparation. En septembre dernier, Tom Van Pelt, directeur de la GSMA, indiquait que la prochaine grande étape était d’intégrer un support interopérable du chiffrement de bout en bout.
Mais rien aujourd’hui ne permet de supposer qu’Apple compte faire évoluer son support de RCS. La société a fini par lâcher du lest à cause de pressions politiques croissantes, notamment de la Chine et de l’Europe. On peut supposer qu’elle renaclera à en faire plus.
« 87 % des téléphones mobiles sont compatibles »
L’AF2M (Association Française pour le développement des services et usages Multimédias Multi-opérateurs) tient le compte des smartphones compatibles. Cette association a une bonne visibilité du marché puisqu’elle regroupe notamment les principaux opérateurs français (Bouygues Telecom, iliad, Orange et SFR).
Dans son dernier bilan, elle indique que, « en octobre 2024, ce sont 28,3 millions de Français qui pouvaient bénéficier du RCS avec leur smartphone, soit 48 % du parc de téléphones mobiles en France », en hausse de 6 points en six mois. Cette statistique est donc côté opérateurs (et tient compte du fait que les utilisateurs aient ou non activé RCS).

De son côté, le portail de la transformation numérique des entreprises « estime qu’environ 87 % des téléphones mobiles sont compatibles en décembre 2024 ». Pour rappel, il faut non seulement un smartphone compatible, mais aussi que l’opérateur propose cette option à ses clients (et que ces derniers ne la désactivent pas).
L’autre face du RCS : les campagnes marketing et la relation client
Mais le RCS, c’est aussi une formidable porte d’entrée pour les professionnels, note l’AF2M : « Conscientes du potentiel de la technologie RCS et séduites par un taux d’ouverture de 80 % en moyenne, mesurable pour chaque campagne, de plus en plus de marques adoptent le RCS ». Sur un an, 172 grandes enseignes ont lancé des campagnes RCS, soit 32 % de plus que lors du dernier bilan.
Le portail de la transformation numérique des entreprises aussi y va de son analyse, affirmant que le RCS « améliore l’impact des campagnes marketing et la relation client ». Il met en avant le fait que « le RCS permet de vérifier l’identité de l’entreprise expéditrice et de l’identifier avec son logo et son nom commercial ».
Le portail donne enfin un dernier avantage, auquel on ne pense pas au premier abord. Lorsqu’une entreprise utilise le RCS, c’est assimilé à un SMS… « et ne nécessite pas d’obtenir de la part de ses clients un consentement spécifique pour le RCS (si vous avez déjà son consentement pour le SMS) ».
Selon Renan Abgrall, président de l’AF2M, « l’adoption de la technologie RCS par Apple a marqué un tournant décisif pour les marques, confirmant que le RCS est en passe de devenir le nouveau standard de la relation client »… en espérant que cela ne fasse pas encore augmenter les appels et SMS non sollicités.