Allo IA bobo

Aux États-Unis, les data centers ont provoqué plus de 5,4 milliards de dollars de dépenses de santé publique de 2019 à 2024, selon une récente étude de quantification de l’impact de l’IA sur les émissions de carbone et la consommation d’eau.
Le boom de l’intelligence artificielle tire la demande en data centers. Si les conséquences de leur multiplication sur les émissions carbones et la consommation d’eau commencent à être connues, une récente étude s’est penchée sur leurs effets en termes de santé publique.
En détaillant le cycle de vie de l’intelligence artificielle, de la fabrication des semi-conducteurs jusqu’aux calculs menés dans les data centers, une équipe de chercheurs des universités UC Riverside et Caltech estime l’impact de ces activités à plus de 5,4 milliards de dollars de dépenses de santé publique sur les cinq dernières années.
Selon le lieu où il est réalisé, l’entraînement d’un modèle comme Llama-3.1 pourrait produire autant de pollution de l’air que l’équivalent de plus de 10 000 allers-retours en voiture entre Los Angeles et New-York City, « ce qui entraîne un coût de santé qui excède de 120 % le coût de l’électricité nécessaire » à l’entraînement du modèle.
Cancers, asthmes, maladies cardiovasculaires
Sur la planète, 8,1 millions de personnes sont décédées en 2021 à cause de la pollution atmosphérique. Celle-ci est aussi le second facteur le plus élevé de développer une maladie non transmissible, rappellent les chercheurs.
Dans ce contexte, la pollution engendrée par le cycle de vie de l’IA participe à la multiplication de cas d’asthme, de cancers, de maladies cardiovasculaires, entre autres problématiques de santé. Aux États-Unis, le coût de leur traitement s’est élevé à 1,5 milliards de dollars sur la seule année 2023, en hausse de 20 % par rapport à l’année précédente.
En pratique, les auteurs de l’étude se penchent sur la pollution atmosphérique produite à différents endroits : par les générateurs de secours des data centers, par la production d’électricité qui permet de les alimenter et par la fabrication du hardware nécessaire aux serveurs.
L’étude s’appuie sur l’outil de modélisation Co-Benefits Risk Assessment (COBRA) de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA, actuellement touchée par les coupures budgétaires qui secouent le pays), qui permet de donner une valeur monétaire à la qualité de l’air et aux impacts de santé qui en découlent.
D’ici 2030, les chercheurs estiment que sous la pression de l’IA, les data centers pourraient contribuer à 600 000 nouveaux cas d’asthmes et 1 300 décès prématurés aux États-Unis. Les coûts de santé induits pourraient dépasser les 20 milliards de dollars, soit le double de ceux provoqués par l’industrie sidérurgique locale.
Par ailleurs, ces maladies ne touchent pas l’intégralité de la population de la même manière. En raison de la localisation des infrastructures, les habitants de Virginie ou de l’Ohio sont plus exposés que les autres à la pollution des data centers, alors même qu’ils en subissent déjà la pression sur le réseau électrique. Or ces populations sont aussi plus pauvres que la moyenne nationale, soulignent les auteurs de l’étude.
Multiplication des investissements
La course à l’IA se traduit pourtant en une course aux data centers. Si Microsoft donne de premiers signes de réduction de la voilure, l’entreprise a tout de même prévu d’investir 80 milliards de dollars dans l’infrastructure nécessaire au fonctionnement de ses modèles d’IA générative. Au total, Meta, Amazon, Alphabet et Microsoft pourraient dépenser jusqu’à 320 milliards de dollars dans le cadre de leur course à l’IA.
Dévoilé peu après l’investiture de Donald Trump, le projet « Stargate » mené par Open AI et SoftBank grimperait de son côté jusqu’à 500 milliards de dollars.
En France, dans la même logique, le Sommet sur l’IA a été l’occasion d’annoncer l’identification de 35 sites pour créer de nouveaux data centers. Le président de la République a par ailleurs annoncé cent neuf milliards d’euros d’investissements dans le domaine.
Si la France se targue de proposer de l’énergie « propre », car nucléaire, les data centers y gardent néanmoins des générateurs de secours alimentés au fioul. À la Courneuve, au nord de Paris, ce type de cas de figure avait même provoqué des tensions avec les riverains, inquiets du danger que représentaient ces cuves, au milieu des années 2010.
Dans de nombreuses régions du monde, ces infrastructures comme les usines de semi-conducteurs, aussi étudiés par les auteurs de l’étude, créent aussi des problématiques d’accès à l’eau.