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De nombreux médias français ont récemment relayé une « rumeur » avançant que les voitures de plus de 10 ans devraient faire l’objet d’un contrôle technique annuel, contre tous les deux ans comme c’est le cas actuellement. Or, ils ne l’auraient probablement pas relayée si les journalistes avaient été informés que l’information initiale avait été « hallucinée » dans des articles générés par IA (GenAI).
Notre enquête sur les (soi-disant) sites d’information générés par IA (GenAI) nous a valu quelques remarques acerbes de la part de professionnels du SEO, notamment sur X.com, au motif que le fait de rendre public le fait que certains de leurs sites sont GenAI pourrait nuire à leur business. « Le problème de fond est amha qu’internet a rendu la presse obsolète, comme les agents de change, les agences de voyage et beaucoup d’autres métiers », a-t-on pu aussi lire.
Leur principale critique tient au fait que nombre de journalistes se contentent de paraphraser des dépêches AFP (notamment), et qu’ils ne voyaient donc pas pourquoi ils ne pourraient pas le faire, eux aussi, de sorte de se « partager le gâteau » (sic) en mode « Ils veulent nous enleves (sic) le pain de la bouche les salauds ! », au point, pour l’un d’entre-eux, de nous rétorquer :
« Les gens veulent manger de la merde ? Donnez en leur à la pelle plutôt que d essayer de buzzer et cherchant à bousiller le business de milliers de sites. »
En 2017, l’économiste Julia Cagé et deux chercheurs de l’INA avaient en effet découvert que, pour ce qui est des actualités « chaudes », 64 % de l’information publiée en ligne correspondait « à du copié-collé pur et simple ». Ils estimaient alors que « Ce recours croissant au copié-collé, combiné à une vitesse de propagation extrêmement élevée de l’information en ligne, risque de tuer les incitations des médias à produire de l’information originale ».
À l’époque, Libé relevait en outre qu’en excluant les reprises de dépêches de l’AFP, ce taux de copie restait de 41 % : « Est-ce à dire que les sites copient allègrement d’autres sites qui en ont eux-mêmes copié d’autres à partir de l’AFP dans une chaîne sans fin ? »
« L’automatisation est un formidable progrès pour le journalisme si elle permet aux journalistes de se concentrer sur leur travail de journalistes et d’éviter de dépenser du temps et de l’énergie dans des tâches répétitives pour lesquelles leur valeur ajoutée est faible », voulaient alors croire les auteurs, qui pensaient que le développement de l’intelligence artificielle pourrait y aider.
Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?
Voire. Si, dans les rédactions, les journalistes chargés du « desk » et donc de l’actualité « chaude », doivent souvent « bâtonner de la dépêche » pour reprendre l’expression (hélas) consacrée dans le métier, et donc reprendre des informations sans avoir généralement le temps de les vérifier, les sites d’infos générés par IA ont, de leur côté, industrialisé le processus. Au point de publier des dizaines, des centaines, voire jusqu’à plus de 6 000 articles par jour, comme c’était le cas avec le site News.dayFR.
Or, les articles émanant d’un « desk » sont (a priori) censés être relus avant publication, tant pour des raisons grammaticales et orthographiques qu’éditoriales. A contrario, les sites d’info GenAI semblent, pour la plupart, être complètement automatisés, sans supervision humaine, sans que leurs articles soient vérifiés ni même relus avant publication, comme nous l’avons démontré avec notre enquête sur le groupe de presse Économie Matin (qui emploie pourtant des journalistes professionnels, titulaires de la carte de presse).
De plus, la quasi-totalité des sites d’infos GenAI que nous avons identifiés ne mentionnent pas les sources des articles qu’ils paraphrasent (et plagient, faute de mentionner leurs sources), allant dans certains cas jusqu’à « halluciner » et déformer informations et citations, faute de supervision et donc de vérification des articles avant qu’ils ne soient publiés.
L’un de nos contradicteurs se vante ainsi d’éditer plus de 600 sites, pour seulement 10 employés revendiqués (« le double », nous a-t-il répondu, lorsque nous lui avons fait remarquer que, à Next, « Nous on est 8 pour 1 seul » site), rendant matériellement impossible le fait de vérifier les centaines voire milliers d’articles GenAI qu’il n’en publie donc pas moins « à la pelle ».
« Je préfère un peu d’hallucination plutôt que de tromper le monde »
Un tweet de Paul Sanchez, PDG de l’agence SEO Hackers (dont notre extension a flaggué quelques sites d’infos GenAI, sans que l’on sache, par ailleurs, combien elle en a créé), revenait à ce titre récemment sur « un bel exemple de propagation sans vérification » par certains médias d’une « rumeur » mal sourcée.
Il y insinuait que les problèmes posés par les sites d’infos GenAI devraient être relativisés du fait de ces « copier-collers » émanant de (vrais) journalistes, dressant une « chronologie d’une fake news concernant le « contrôle technique obligatoire tous les ans » venant des médias et non des réseaux comme certains journaux l’affirment ». Ou comment « une fausse info se propage… non pas à partir des réseaux sociaux, mais depuis la presse ».
Un tweet commenté et partagé par de nombreux autres professionnels du SEO, en défense de leurs articles GenAI , en mode : « Et après on vient nous casser les cacahuètes avec de la GenAI ? Je préfère un peu d’hallucination plutôt que de tromper le monde… »


Or, la « rumeur » en question émanait en fait d’articles générés par IA, qui avaient « halluciné » une (véritable) information, initialement publiée par un journaliste (spécialisé), sur un média digne de foi.
Les voitures connectées semblent plus problématiques que les anciennes
Le 22 janvier, un journaliste d’autoplus.fr publiait, en effet, un article intitulé « Pourquoi certaines voitures devront-elles bientôt passer le contrôle technique plus souvent ? ».
Il relayait un rapport du TÜV (abréviation de Technischer Überwachungsverein, le nom des organismes de normalisation allemands) de Süd Munich s’inquiétant du fait que « pas moins de 150 000 véhicules ont été identifiés comme présentant des « défauts dangereux » nécessitant une immobilisation immédiate ». Il préconisait d’ « imposer un contrôle technique annuel pour les véhicules de plus de dix ans, contre un contrôle bisannuel actuellement ».
L’information émanait d’un article du Spiegel (dont il ne fournissait pas le lien) soulignant que « l’âge moyen des voitures immatriculées en Allemagne est actuellement de 10,3 ans », et que « le parc automobile vieillissant devient un risque pour la sécurité routière ».
« Il est difficile de prouver si les voitures plus anciennes provoquent davantage d’accidents », y plaidait Kirstin Zeidler, responsable de la recherche sur les accidents pour les assureurs à l’Association générale du secteur allemand des assurances, reconnaissant cela dit que « nous ne disposons d’aucune recherche à ce sujet ».
« Le ministère fédéral des Transports rejette également la demande de TÜV », précisait en outre l’article du Spiegel : « Selon les conclusions disponibles, l’état technique des voitures d’occasion ne s’est pas détérioré ».
De plus, l’article soulignait que « les voitures modernes et connectées semblent être plus problématiques que les anciennes », et qu’il était par ailleurs « prévu que les voitures dotées d’une fonction de conduite autonome » soient, « bien que de tels véhicules ne soient pas encore disponibles à l’achat », contrôlées « tous les six mois ».
« Faites-vous partie des concernés ? »
Paul Sanches relève à ce titre que, le 26 janvier, soit quatre jours plus tard, « 20 Minutes (Journal des Seniors) reprend sans vérification et sans citer Auto Plus ». Il est à noter ici que si le site Journal des Seniors est hébergé sur un sous-domaine de 20minutes.fr, il est édité par une société tierce, qui se présente comme « un éditeur indépendant de médias et portails d’information à destination du grand public », et non par les journalistes de 20minutes.fr.
L’article en question, intitulé « Ces voitures devront désormais passer au contrôle technique tous les ans : faites-vous partie des concernés ? », reprenait la rumeur à son compte :
« Ces mesures ciblent les véhicules de plus de 10 ans, qui devront passer un contrôle chaque année. Aujourd’hui, cette catégorie représente une part importante du parc automobile, notamment chez les conducteurs qui préfèrent garder leur voiture thermique plutôt que d’investir dans un modèle électrique ou hybride. »