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L’accès aux terres rares et matières premières, enjeux de négociations sur l’Ukraine

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Leave the gun, take the lithium
L’accès aux terres rares et matières premières, enjeux de négociations sur l’Ukraine

Depuis début février, Donald Trump a mis dans la balance des négociations en Ukraine un accès privilégié des États-Unis aux terres rares et métaux du pays. L’Ukraine est en effet un lieu de ressources pour divers métaux utilisés dans les appareils numériques. Mais celles-ci semblent surtout un prétexte pour débuter ces discussions de façon commerciale.

Ce mardi 18 février, les États-Unis et la Russie se réunissent à Riyad en l’absence des Ukrainiens et des Européens alors que cette rencontre doit poser les prémices de négociations sur l’Ukraine.

Samedi 15 février, Volodymyr Zelensky annonçait avoir refusé un accord avec les États-Unis sur les minerais ukrainiens tout en n’en fermant pas définitivement la porte : « Je n’ai pas autorisé les ministres à signer l’accord parce qu’il n’est pas prêt. À mon avis, il ne nous protège pas », affirmait-il en marge de la conférence sur la sécurité de Munich, selon l’AFP.

Donald Trump demande 500 milliards de dollars de terres rares

En effet, deux jours avant, le secrétaire d’État américain, Marco Rubio avait déclaré qu’il espérait parvenir à un accord sur ce sujet. Depuis le début du mois, Donald Trump veut négocier un accord qui donne un accès privilégié des États-Unis aux terres rares et métaux du pays contre leur protection ou au moins leur aide. La semaine dernière, sur Fox News, le président américain a affirmé : « Je leur ai dit [à l’Ukraine] que je voulais l’équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares. Et ils ont accepté de le faire, ce qui nous évite de nous sentir stupides ».

Hier, The Telegraph publiait un projet de contrat pré-décisionnel daté du 7 février, affirmant que que « les États-Unis et l’Ukraine devraient créer un fonds d’investissement commun pour veiller à ce que « les parties hostiles au conflit ne profitent pas de la reconstruction de l’Ukraine » ». Ce projet prévoit que les États-Unis prennent 50 % des revenus de l’extraction des ressources de l’Ukraine et 50 % de la valeur financière de « toutes les nouvelles licences délivrées à des tiers » en vue de la monétisation future des ressources.

Les terres ukrainiennes riches en matériaux utiles pour les nouvelles technologies

Toujours selon nos confrères britanniques, c’est Volodymyr Zelensky qui aurait lui-même proposé l’idée d’un accord de participation directe aux revenus tirés des terres rares de son pays lors d’une visite à la Trump Tower en septembre dernier. Le président ukrainien aurait utilisé les matières premières accessibles sous le sol de son pays pour attirer l’attention de Donald Trump et essayer de lui faire poursuivre les livraisons d’armes sur lesquels repose la défense ukrainienne.

Comme l’expliquait en 2023 le Financial Times, l’Ukraine possède d’importants gisements souterrains que le journal économique évalue à 11,5 milliards de dollars. Des chercheurs de l’Université de Dnipro expliquent [PDF], par exemple, que « l’Ukraine possède d’importants gisements de lithium, estimés à 500 000 tonnes (jusqu’à 10 % des réserves mondiales) ».

Mais les sous-sols ukrainiens sont aussi riches en graphite, cobalt et en titane. Le pays extrait aussi des terres rares indispensables à l’industrie numérique. Rappelons que le qualificatif de « rare » est trompeur, car ces matériaux ne se trouvent pas en si petites quantités sur Terre, comme l’explique Emilie Janots, enseignante-chercheuse à l’Université Grenoble Alpes.

Selon un document de la Commission européenne de 2020 [PDF], l’Ukraine produisait 5 % du Gallium mondial (sachant que la Chine en produit 80 % et l’Allemagne 8 %) et 7 % du Scandium (la Chine produit 66 % et la Russie 26 %). Le premier est utilisé dans les semi-conducteurs et les cellules photovoltaïques et le second dans les piles à combustible à oxyde solide et les alliages légers pour l’aérospatial par exemple. D’autres terres rares comme le lanthane, le cérium et le néodyme se trouvent en Ukraine. Celles-ci sont utilisées pour créer des aimants très utilisés dans l’industrie des véhicules électriques, du numérique ou encore les générateurs éoliens.

Un moyen de reprendre les territoires occupés ?

Comme le souligne The Telegraph, une partie des bassins miniers se trouve près de la ligne de front dans l’est de l’Ukraine ou dans des zones occupées par la Russie. La proposition de Volodymyr Zelensky lui permet donc d’intéresser le président américain à la possible récupération de cette zone, alors que son pays est en mauvaise position militaire pour reprendre ces territoires occupés.

Mais la partie reste serrée. Selon Volodymyr Zelensky, un tel accord devrait comporter « des garanties de sécurité » pour l’Ukraine, expliquait-il en rejetant l’accord, ce qui n’est apparemment pas le cas.

L’économie ukrainienne dans les mains étasuniennes ?

D’autre part, comme nous l’évoquions, l’Ukraine fait partie des pays comme l’Australie qui ont récemment signé des accords avec l’Europe sur les matériaux critiques. Et l’accord avec les États-Unis pourrait être en contradiction avec celui-ci. « Je pense que cela va être très mal perçu en Europe », a affirmé l’ancien diplomate britannique Ian Bond à The Telegraph, ajoutant « Trump semble agir comme si les Américains avaient le droit de saisir les biens nationaux de l’Ukraine en échange de l’aide qu’ils ont apportée jusqu’à présent ».

Le journal britannique n’hésite pas à qualifier de « colonie économique américaine », ce que deviendrait l’Ukraine avec cet accord.


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