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En 2022, les biens et services liés au numérique représentaient 4,4 % de l’empreinte carbone de la France, avec des émissions à chercher à hauteur de 50 % du côté des terminaux, contre 46 % pour les centres de données. C’est ce que révèle la version mise à jour d’une étude Ademe-Arcep d’évaluation de l’impact environnemental du numérique en France. Elle propose par ailleurs une nouvelle clé de répartition entre les impacts environnementaux liés à la fabrication des terminaux et ceux associés à leur usage.
Le calcul de l’impact environnemental du numérique relève d’une forme de gageure, tant il est difficile de mesurer avec précision le cycle de vie complet d’une chaîne qui, pour l’envoi d’un simple email, va des mines dont sont extraits les matériaux nécessaires à la fabrication des terminaux, jusqu’à l’énergie utilisée pour alimenter les équipements réseau chargés de son acheminement. L’exercice se révèle pourtant nécessaire pour évaluer le poids réel de ce secteur en plein essor et nourrir l’action publique en matière de transition environnementale et de numérique responsable.
Un périmètre mis à jour et étendu
En France, c’est l’équipe combinée formée par l’Ademe et l’Arcep qui s’est attelée à cet épineux dossier, avec une première étude d’impact publiée en 2022, et portant sur les consommations mesurées en 2020. À l’époque, les deux institutions évaluaient à 17,2 millions de tonnes équivalent CO2 les émissions liées à ce secteur, soit 2.5 % des émissions de la France en 2020. Elles estimaient également que la phase de fabrication des terminaux dédiés aux utilisateurs finaux concentrait près de 80 % de leurs impacts environnementaux, contre 20 % seulement engendrés par leur utilisation.
Pour tenter de dresser la carte des impacts du numérique, les chercheurs responsables de l’étude avaient opté pour une segmentation en trois tiers, en envisageant séparément les terminaux utilisateurs (ordinateurs, smartphones, téléviseurs…), les centres de données et le réseau.
Ils admettaient que l’étude présentait certaines limites, notamment parce qu’elle ne prenait en compte que les infrastructures situées en France (logique de production), alors même que de nombreux services en ligne populaires s’appuient sur des ressources hébergées à l’étranger (logique de consommation).
Pour pallier ces lacunes et tenir compte de l’accélération des usages, l’Ademe et l’Arcep ont remis le métier sur l’ouvrage, et procédé à une actualisation de leur étude initiale. La version mise à jour, publiée mi-janvier (PDF), s’appuie d’abord sur des données plus récentes, puisqu’elle envisage les usages de 2022, soit l’année des prémices de l’intelligence artificielle accessible au grand public (ChatGPT a été lancé le 30 novembre 2022).
L’étude intègre par ailleurs trois dimensions supplémentaires : la prise en compte des data centers situés à l’étranger, l’évolution du marché des téléviseurs vers l’OLED et les grandes diagonales, ainsi que des données plus précises sur l’empreinte de la fourniture d’accès à Internet, extraites de la base NégaOctet et complétées par les opérateurs. La démarche reste fidèle à la méthode ACV (analyse du cycle de vie) sous sa forme attributionnelle, sans prise en compte des impacts indirects (effets rebonds).
4,4 % de l’empreinte carbone et 11 % de la consommation électrique
Sur la base de ce périmètre étendu, l’étude estime à 29,5 Mt CO2éq l’empreinte carbone générée sur l’année 2022 par le numérique, « ce qui représente un peu moins que les émissions totales du secteur des poids lourds », remarquent les auteurs.
Les terminaux utilisateurs représentent, selon l’étude, 50 % de cette empreinte carbone. Les centres de données pèsent quant à eux 46 %, en sachant que l’Ademe et l’Arcep évaluent à 53 % la part des usages associés à des infrastructures hébergées à l’étranger. Enfin, le fonctionnement des réseaux de télécommunication (fixes, mobiles ou dorsal, box FAI comprises) équivaudrait à 4 % de l’empreinte totale du secteur.
L’étude propose d’ailleurs de comparer les données de 2022 sur le nouveau périmètre à celles de 2020, mais aussi à celles de 2020 corrigées de l’imprécision liée à la non prise en compte des data centers situés à l’étranger, en réponse à la très complète contre-analyse qu’avait prodiguée le cabinet de conseil Hubblo.

Les deux institutions calculent que le numérique a représenté, en 2022, 51,5 TWh, soit 11,3 % de la consommation électrique française. Une enveloppe qui monte à 65 TWh, en intégrant la consommation des centres de données situés à l’étranger. « À l’échelle d’une personne habitant en France, cela correspond à 434 kg eq. CO2, soit 22 % des émissions soutenables (2 tonnes par personne et par an) », soulignent les auteurs.
La fabrication concentre la majorité des impacts
« On peut également noter qu’une personne mobilise 1,7 tonne de matériaux par an pour son utilisation du numérique », mesure encore l’étude. Elle estime à 117 millions de tonnes la masse totale de ressources utilisées pour produire et utiliser les équipements associés sur un an à l’échelle nationale.
Sur le volet matériel, l’étude s’efforce, comme en 2020, de prendre en compte l’ensemble du cycle de vie, de la fabrication jusqu’à la gestion de la fin de vie. « 60 % des émissions carbone sont liées à la fabrication, à la distribution et à la fin de vie des équipements et infrastructures numériques, et 40 % à l’utilisation ; ce qui signifie que la phase d’usage reste minoritaire », calculent à ce niveau les auteurs.
« Si la part relative liée à la fabrication, ou liée aux équipements diminue, en valeur absolue les émissions
augmentent. Cela signifie qu’il faut continuer les efforts pour augmenter la durée de vie des équipements, et réduire le nombre d’équipements numériques. Mais il faut accentuer les efforts au niveau des usages : avec l’arrivée des nouveaux usages (IA générative notamment) qui risque d’entraîner une explosion de la consommation des data centers dans le monde, il faut insister sur l’importance de la sobriété, c’est-à-dire la remise en question de la nécessité de ces usages », conclut l’étude.