Musk, Zuckerberg et le reste du monde sont dans un bateau. Le reste du monde tombe à l’eau.

Ces derniers jours, les dirigeants des plus grandes plateformes sociales états-uniennes ont multiplié les sorties politiques et polémiques. Avec, toujours, leurs intérêts économiques en ligne de mire.
« Voilà dix ans, si on nous avait dit que le propriétaire d’un des plus grands réseaux sociaux du monde soutiendrait une nouvelle internationale réactionnaire et interviendrait directement dans les élections, y compris en Allemagne, qui l’aurait imaginé ? », interrogeait Emmanuel Macron en début de semaine lors de son discours aux ambassadrices et ambassadeurs.
Une prise de parole qui semble déjà loin, tant les événements des jours suivants ont accentué la cacophonie relative aux liens que certains patrons de la tech cultivent désormais ouvertement avec des pouvoirs conservateurs. Le plus spectaculaire, certainement, a été la prise de parole de Mark Zuckerberg, large t-shirt noir et chaîne d’or au cou, dans laquelle il a expliqué renoncer aux programmes de vérification des informations (fact-checking, disponible dans 60 langues et rémunérant 80 médias dans le monde), aux États-Unis pour commencer.
Argument avancé pour expliquer cette évolution : une meilleure protection de la liberté d’expression, les fact-checkeurs étant, d’après le fondateur de Facebook, trop « orientés politiquement » (des travaux scientifiques récents attribuent ces accusations de biais non pas aux équipes de modération, mais à des niveaux de qualité qui diffèrent entre les partisans de différents bords politiques).
Pour remplacer ce service assuré par des professionnels de l’information, l’entrepreneur et troisième personne la plus riche du monde explique s’inspirer… des décisions prises par Elon Musk sur X. Comme sur l’ex-réseau à l’oiseau bleu, Meta entend promouvoir l’usage de Community Notes, c’est-à-dire de notes rédigées par les internautes eux-mêmes, pour corriger et compléter (ou non) les informations diffusées sur Facebook, Instagram et Threads.
Si l’annonce laisse de nombreux commentateurs ébahis – à commencer par certains fact-checkeurs –, elle peut aussi être lue comme une étape de plus dans le revirement de positionnement de la majorité des dirigeants des grandes entreprises numériques. Et comme une manière de se rapprocher de Donald Trump, que ce soit par idéologie – comme semble le faire Elon Musk – ou par opportunisme.
L’élection présidentielle états-unienne, catalyseur du changement
À l’approche du scrutin de novembre 2024, déjà, les signes du nouveau positionnement des patrons numériques se multipliaient, que ce soit via les prises de paroles des grands argentiers de la Silicon Valley, ou via le refus de Jeff Bezos de laisser le Washington Post publier son traditionnel article de soutien à l’un ou l’autre candidat (l’article prévu s’exprimait en faveur de la démocrate Kamala Harris).
Quelques mois plus tard, le fondateur d’Amazon, historiquement opposé à Trump, n’en saluait pas moins une « victoire décisive » et un « retour politique extraordinaire », tandis que Mark Zuckerberg annonçait verser un million de dollars pour financer l’investiture du chef d’État républicain, geste qu’il n’avait réalisé pour aucun autre président auparavant.